22 juin 2024 Premier prix au concours de poésie de Beynat(19) sur le thème de la Grâce avec mon poème PRÉSENCE
Présence
Elle nous frôle à peine et le charme s’installe.
Émerveillé, soumis, on s’offre à sa caresse.
Son aura lumineuse enveloppe, s’étale.
Et les cœurs mutilés s’ouvrent à la tendresse.
La Grâce se déploie et entame sa danse
Sous une pluie de roses et d’étoiles filantes.
Elle effleure la terre de sa douce semence
Et ruisselle l’amour, en fontaine abondante.
Un regard échangé : elle dessine un sourire
Apportant l’étincelle à l’éclat d’un visage.
Les mots perlent aux lèvres pour mieux s’épanouir
Et les gestes deviennent des rites de passage.
La Grâce c’est l’harmonie remise en mouvement
Une chorégraphie céleste, enchanteresse.
Transcendant le réel, magnifiant le présent
Elle guide nos pas, tout en délicatesse.
Elle s’incarne et s’invite en caresse du vent,
Chante la mélodie d’un ruisseau qui murmure.
Équilibre, plénitude, harmonie du vivant,
De l être aimé, offrande d’un baiser qui rassure.
La Grâce c’est aussi la force du pardon
Qui libère des doutes et des haines tenaces.
Elle éclaire le chemin, repousse l’abandon
Éloigne le courroux, refoule les menaces.
Alors, ouvre ton coeur à la Grâce infinie.
Elle te visitera et ta métamorphose
Composera alors comme une symphonie :
Tout l’univers et toi fusionnés, en osmose.
04 mai: Deuxième place au concours de poésie de la Mairie de Saint-Gence
Sur le thème Demain Petite fille
Demain, petite fille, levant le voile noir,
Tu apparaîtras, belle comme un éclat de vie.
Nous gommerons les failles d’un passé sans espoir
Pour t’offrir la ferveur, la source de l’envie.
Demain, naît avec avec toi la promesse ambitieuse.
Nos douleurs et nos larmes se fondent dans l’oubli.
Vers un horizon vierge, sur des notes joyeuses,
L’amour et l’harmonie en étreinte infinie.
Pour toi, petite fille, nous convoitons la paix :
Les guerres effacées, l’amitié, la culture,
Des tourbillons de joie et toujours le respect
Du vivant, de l’humain, du tout, de la nature.
Demain, tes rêves bleus épouseront les nôtres
Repoussant l’illusoire, le profit, le pouvoir.
L’écran vierge de ta vie se peuplera des autres
En partage créatif de rêves et de savoir.
Ton envol vers demain illuminant le jour,
Guidée par l’espérance et foi en l’avenir,
Petite fille, c’est toi qui bâtiras l’amour
Au creux de ton jardin, à fleur de ton sourire.
Et si ce n’est qu’un songe, un vœu, une chimère,
Si tu le veux demain, notre amour en pâture,
Tu guideras nos pas vers l’état éphémère
D’une utopie sans nom : la nouvelle aventure !
La remise des prix
Le 1er octobre 2023 Prix du Périgord Vert pour
Les mains d'Anna aux éditions Mon Limousin
Le 27 mars 2022 Prix Panazô des lycéens de Saint- Junien (87 )
Dans les méandres de la Creuse ( ed Encre Rouge)
Le 28 juillet 2019, presque un an jour pour jour après la précédente récompense, je double : premier prix avec MA NUIT CHEZ RAOUL et quatrième avec DIX- TRENTE ET UN.
Des textes à découvrir dans l'ouvrage collectif Ailes aux éditions Marine Elvin
Le 29 juillet 2018: Premier prix au concours de nouvelles des Créations morterolaises pour LA VENGEANCE DE CÉSAR
( texte intégral dans la rubrique Dernière minute du site)
Le 27 mai 2018 : Prix de la plus jolie couverture de roman pour L 'ENCRE SYMAPATHIQUE
au premier salon littéraire de Saint- Martial sur Isop ( 87)
Le 27 mai 2018 : ENCORE UN PRIX POUR APRES MARIENBURG!
Le 01/10/2017: Roman primé au salon de Chasseneuil sur Bonnieure ( 16)
En 2013: MON POÈME FÉTICHE:
ESPOIR
Espoir
Ce poème a obtenu le
premier prix au concours 2013 PLUME DE POÈTE
Je caresse
l’espoir d’un ventre rond de femme
Où le germe de
vie croît dans un océan
De chaleur et
d’amour, attendant le sésame,
Pour offrir à
aimer le plus doux des présents.
Je devine
l’espoir dans un bouton de rose.
Préservée des
pillards par un cordon d’épines.
Elle attend le matin de son apothéose
Pour ouvrir
son corsage, sur une taille fine.
J’imagine
l’espoir dans l’enfant de la guerre
Qui fuit
devant les tirs, qui dribble entre les bombes
Alors que la
terreur l’emprisonne en ses serres,
Avant que la
rafale ne lui creuse une tombe.
Je dessine
l’espoir sur le cœur du vieillard
De mes mains
parcourant son visage fané.
Son aimée qui
l’attend enjambe le brouillard,
Pour venir le chercher, par delà les années.
Je relie à
l’espoir le songe du poète,
La voix de la
diva, les doigts du musicien,
Les pinceaux,
les ciseaux, les lumières de la fête
Et des
milliers d’étoiles au ciel du pèlerin.
Je conjugue
l’espoir au temps des retrouvailles.
L’absence ne
s’étire que pour mieux réunir
Les amis, les
amours, les amitiés sans faille
Et poser sur les murs des milliers de sourires.
Je transporte
l’espoir dans ma lourde besace
Emplie de
souvenirs, de projets et de rêves.
Je cultive l’espoir
pour qu’aucune menace
Ne fauche les
moissons que je nourris sans trêve.
Liliane Fauriac
©
Tous droits réservés
Un premier prix au salon de Saint Eulalie d'Olt avec PÉLERINS
Pèlerins
De l’Auvergne
profonde aux fières Pyrénées,
A travers les
prairies d’un Aubrac enchanté,
Par les
lisières, les méandres, les champs, les prés,
Par les routes
et les villes, nous avons cheminé.
Ne craignant
pas la pluie, redoutant le retour,
En route vers
l’étoile, avancer, contempler,
Parcourant le
pays en rêvant tout le jour
De retenir le
temps, de cheminer, toujours.
Depuis Conques la belle, en passant par Cahors
Tant de
coquets villages, de rencontres précieuses
Nous
conduisirent heureux à Saint Jean Pied de Port
Pour franchir la frontière des montagnes
brumeuses.
En Navarre, en
Castille, ce fut alors l’Espagne,
Éblouissante
et rouge qui offrit ses trésors.
Souvent quand
la torpeur endormait la campagne,
Nous restions
en l’église fascinés par ses ors.
Quand au bout
du chemin nous entrâmes en Galice,
Parmi une
colonne en marche vers Compostelle
Imaginant la
fin de nos instants complices
Ce fut
l’embrasement des émotions fidèles.
Jusqu’à
Santiago, compagnons pèlerins,
Nos cailloux
sur les croix, nous avons déposé,
Nos fatigues,
nos joies, nos émois incertains
Près de la
cathédrale, offerts, abandonnés.
Reprendrons-nous
un jour le sac et le bâton
Vagabonds de
la lune, indomptables rêveurs ?
En quête de lumière, en scrutant l’horizon,
Saurons-nous
proclamer l’hommage à la lenteur ?
En 2014: au concours de poésie de Saint-Junien ( 87
Nocturne n° 2 ( sur la musique de Chopin)
Les doigts courent sur le clavier
Si délicatement
Que j’en devine à peine le frôlement
Comme une caresse sur ma peau.
Chaque note dessine une arabesque,
Peint une infinité de paysages.
Chante la mélodie d’un amour infini.
La tendresse d’une nuit dans tes bras
Résonne au clair de pleine lune
M’apportant le parfum du jasmin
Du mimosa et de la rose.
Inlassablement, Chopin berce mon rêve,
Sème des perles comme des étoiles
Au ciel de l’attente sensuelle
Qui s’impatiente en crescendo
Et se meurt en sanglots étouffés.
À la fin de la ligne harmonique
Là-bas, si loin, je te rejoins
Et me fonds en musique douce
Dans la tiédeur de ton corps
Qui m’embrase et m’apaise.
Jusqu’au bout de la nuit,
Que les notes pianotent
Les mots doux que je ne saurais dire.
Qu’ils coulent comme l’eau,
Sans s’épuiser, sans te lasser.
Qu’ils trouent les ténèbres et l’ennui
Et fleurissent tes songes
De tendresse indicible,
Comme si la mélancolie
S’effaçait sous les mains du musicien
Pour laisser place au bonheur
D’un matin au creux de ton épaule.
EN 2015
Fallait pas
Fallait pas mon amour
entrer dans mes musiques,
jouer, de tes doigts habiles,
tes partitions sur ma peau
qu’ils enflammaient.
Fallait pas mon amour
faire danser mes hanches
sous la douce pression de tes mains
qu’elles rêvaient de convier.
Fallait pas mon amour
composer des mots si tendres
qu’avide, je les croquais
avant de t’écrire leur écho.
Fallait pas mon amour
me hisser au sommet
de la vague sensuelle,
m’élever aussi haut
que je flirtais avec les astres.
Fallait pas mon amour
ralentir tous mes pas
pour t’attendre en chemin,
marcher à tes côtés
en te donnant la main.
Fallait pas mon amour
que je sois ta béquille,
un substitut, une potion.
Fallait pas mon amour
mêler ton souffle au mien
pour me le dérober avec la violence
de l’ouragan qui me terrasse.
Fallait pas mon amour
sacrifier notre œuvre d’art
sur l’autel d’un autre amour.
4 ième prix au concours de nouvelles de l'Echo en juin 2017
Thème : un Cri
Le
concert perché
« ELLE ne viendra pas
maintenant. Les oiseaux ont fui mes ramages depuis des heures tandis que le
vent me malmène. Mes branches giflent l’air de tangages désordonnés au gré des
bourrasques. Je m’ancre de toute ma sève dans le sol qui me retient. Ce n’est
pas le moment de craquer ! Tout est installé comme elle le voulait. Demain,
c’est le grand jour. Jamais on ne m’avait rendu un tel hommage. Il faut que je
résiste, au moins jusqu’à la fin du concert. »
Anne,
violoniste professionnelle, passait le mois d’août dans la maison familiale, en
compagnie de son ami Fabien rencontré lors d’une répétition des Quatre
saisons de Vivaldi. Leur tendre complicité les stimulait pour élaborer
ensemble un projet artistique original.
Il
y a trois semaines, le samedi matin, Anne était venue plaquer son corps contre
l’écorce rugueuse, fleurie de lichens gris perle. En lui murmurant ses pensées
intimes, elle enserrait le tronc entre ses bras pour capter l’énergie de son
chêne par ses mains, par son ventre, par son souffle. En quelques minutes de
concentration, elle percevait les vibrations dont elle s’emplissait. Par un
effet de vases communicants, elle éprouvait la sensation de se charger en ondes
bénéfiques puis d’évacuer ses émotions négatives. C’était un rituel, une
relation osmotique et secrète. Les rares témoins, habitués à surprendre leurs
effusions ne prêtaient plus attention à leur étreinte complice.
Pour prolonger l’harmonie de ce moment de
grâce, elle avait appuyé son dos contre lui et s’était délectée des jeux de
lumière et du bruissement du vent dans les feuilles. Puis, elle avait fermé les
yeux et, peu à peu, avait laissé son esprit divaguer vers un concept un peu fou,
mais diablement séduisant, en harmonie avec la nature, en rupture avec l’univers
conventionnel des concerts. Pas de salle, pas de scène, mais les branches de ce
chêne ! L’idée saugrenue d’un « concert perché », de musiciens
assis ou suspendus dans cet arbre remarquable par son port majestueux s’était
formée et affinée, comme un moyen d’exprimer son art dans un site insolite. Des
images mentales s’étaient dessinées, mises en mouvement, des gestes s’étaient
ébauchés, des dialogues musicaux ouverts à l’investigation.
Anne
avait imaginé Fabien au violoncelle, son amie Ève à l’alto et elle-même au
violon, conversant par l’intermédiaire de leurs instruments, au niveau des
fourches des branches, entre ciel et terre. Le public prendrait place sous
l’ombrage, en symbiose avec la musique et la nature. Joueraient-ils des
morceaux connus, des pièces plus confidentielles ? Ou alors improviseraient-ils
sur un thème d’inspiration bucolique, portés par le souffle du vent dans le
feuillage et l’énergie puissante du chêne centenaire ?
Fabien
l’avait surprise, adossée contre son arbre, les yeux clos, un sourire
énigmatique sur les lèvres. Sans bruit, il s’était approché d’elle, et en
effleurant tendrement sa joue :
–
Tu dors mon amour ?
–
Non, mais je rêve…
–
Et peut-on savoir l’objet de ce songe ?
–
Fabien, crois-tu qu’on pourrait organiser un « concert perché » ?
–
Perché ? Tu peux préciser ? l’avait-il interrogée, mi-intrigué, mi-sceptique.
–
Oui : on s’installerait pour jouer dans les branches, là, tu vois, au
niveau des fourches.
–
Anne ! Quel vent de folie t’a apporté cette idée saugrenue ?
–
C’est ridicule, hein ? Dis-moi que c’est irréalisable si tu le
penses. Mais, réfléchis quand même à la
magie d’un concert aérien ! Tu te rends compte d’une innovation ?
–
Connaissant ta ténacité, je suppose que tu n’es pas prête à lâcher le
morceau !
–
Il faudrait juste trouver le moyen d’atteindre les points où l’on pourrait
s’installer confortablement.
–
Et s’y sentir en sécurité pour pouvoir jouer !
–
Alors ? Tu crois que mon idée est complètement stupide ?
–
Je n’ai jamais prétendu ça ! Tu sais quoi ?
–
Non ! Dis-moi !
–
J’ai un copain qui travaille à l’« acrobranche » : on devrait
lui en parler !
Voilà comment, dès le lendemain,
deux élagueurs-voltigeurs et un moniteur d'escalade s’étaient retrouvés au pied
du chêne. Anne et Fabien, rejoints par Ève enthousiasmée par le principe du
concert au cœur de la nature avaient expliqué leur projet. Il avait été facile
aux professionnels de cerner les intentions et d’envisager les équipements pour
atteindre les fourches idéalement larges et robustes. Il avait suffi de couper
quelques branches pour en permettre l’accès. Des échelles de corde aux barreaux
en bois avaient pu aisément être mises en place. Pour installer les musiciens,
ils avaient imaginé des sortes de paniers suspendus dans lesquels ils
s’assoiraient et qui oscilleraient doucement au gré de leurs mouvements. Ces
aménagements seraient rapides, respectueux de son arbre, amovibles et
réutilisables dans un lieu similaire.
Anne
avait exulté en visualisant les trois partenaires auxquels, pourquoi pas, se
joindraient d’autres artistes séduits par le projet de « concert
perché ». L’esthétique ne serait pas en reste : marionnettes ou
funambules, ils allaient créer une improbable union entre Euterpe la muse de la
musique et Sa Majesté le chêne, arbre sacré des druides ! Aucun obstacle
ne s’était dressé devant la détermination et l’enthousiasme de la jeune femme.
Elle avait fixé une date pour la première et s’était chargée de monter le
dossier à déposer à la Préfecture, quitte à devoir le défendre et fournir
toutes les garanties de sécurité – pour les musiciens, leurs instruments, les
auditeurs – heureusement assurées par les élagueurs et le moniteur d’escalade.
Effectivement,
l’autorisation avait été obtenue dans des délais suffisamment brefs. Ève avait
assumé la communication de l’événement par tous les moyens : réseaux sociaux,
affiches, flyers, annonces par les radios locales… Le 20 août serait le
dimanche qui verrait le premier chêne transformé en scène de concert « en
altitude » ! Le vent qui ferait frissonner ses feuilles aurait un parfum
de poésie. Les vibrations des cordes frottées des violons et violoncelles
s’allieraient à celles des cordes de chanvre se balançant entre les branches.
Qui sait si même les cordes vocales du public ne viendraient pas accompagner la
mélodie interprétée par l’orchestre de l’insolite ?
Ce
samedi en fin d’après-midi, l’atmosphère s’était assombrie, brusquement, au terme
d’une journée étouffante. Dès la tombée de la nuit, le ciel s’était zébré
d’éclairs annonçant les roulements du tonnerre. Un vent d’une puissance
imprévisible avait surpris les plus avertis des météorologues. Animaux et
villageois avaient déjà gagné leurs refuges en prévision d’un phénomène
inhabituel. Épuisée par les préparatifs, Anne s’était couchée très tôt et
dormait paisiblement alors que la tourmente s’amplifiait.
« Non !
Il ne faut pas que je succombe aux forces destructrices. Si j’ai résisté
jusqu’à ce soir, je peux encore tenir, je vais m’accrocher de toutes mes forces
au sol qui m’a nourri : pour Elle ! »
Dans
une ultime tension pour se cramponner à la vie, à la terre, l’arbre ploie
encore, se redresse et soudain, vrillé par un puissant assaut, cède à la
violence d’une rafale mortelle. Alors, dans un dernier et vain effort, le cri
du chêne vaincu déchire la nuit : un craquement ignoble, suivi d’un
charivari de branches et feuilles livrés à la formidable rage des éléments. Le
concert perché n’aura pas lieu.
Pendant
ce temps, la magie du rêve s’emparait d’Anne. Les musiciens avaient accordé
leurs instruments, pour préparer un partage inédit. Le concerto perché emplissait
tout l’espace, éveillant des vibrations esthétiques, émotionnelles,
spirituelles même, reliant un public conquis aux troubadours des temps modernes.
Dans un va-et-vient de lignes mélodiques, tantôt douces et discrètes, tantôt
enlevées, sinueuses, marquées d’envolées irrésistibles, toutes les cordes,
matérielles et virtuelles tissaient des liens invisibles aussi complexes et
denses que ceux d’une toile d’araignée musicale.
Alors,
brusquement, dans un sursaut provoqué par une longue apnée, Anne exhale un cri,
une plainte infinie, douloureuse comme une déchirure, puissante comme le
souffle du chêne monumental qui s’affale. Confusément, les clameurs
silencieuses de l’arbre et celles de la jeune femme s’unissent dans le tumulte
de la nuit de tempête pour hurler en silence la douleur de leurs vies broyées,
à l’apogée de leur connivence.
3 ème prix au concours de Nouvelles morterolaises
L’INSOUMIS DE LA COURTINE
La nuit tombait sur Magnat l’Étrange, à la fin
de ce jour de fête à la gloire du chou, le célèbre et énorme chou de Magnat.
J’étais venue ce dimanche pour annoncer ma grossesse à Marie-Louise alors que le
village perpétuait la tradition d’un chou d’origine russe, des jardins du
tsar Pierre III, affirme-t-on de source sûre, introduit en Creuse vers 1760. Merveilleusement adaptée aux conditions climatiques sud-creusoises,
cette crucifère avait été importée pour sauver les gens de Magnat de la famine.
La variété avait été préservée grâce au travail patient d’un petit groupe d’agriculteurs
passionnés. Le spécimen élu roi du chou ce jour-là, ne pesait pas moins de 20 kilos pour un
diamètre de 1,20 mètre.
Marie-Louise, ma grand-mère
paternelle m’avait reçue plusieurs fois depuis que, intriguée par mes origines,
je l’avais enfin située puis rencontrée au fin fond de ce village aux alentours
de la Courtine. Il m’avait fallu plusieurs années de démarches auprès de la DDASS,
ancienne Assistance Publique, pour retrouver la personne qui avait confié son
fils – mon père, aux services sociaux, à
l’âge de deux jours. Sans idée préconçue, j’étais curieuse de percer le secret
de cet abandon, mais dès que j’eus fait sa connaissance, je renonçai à la
harceler de questions, laissant la confiance s’installer entre nous. Le temps
des confidences viendrait, éventuellement.
Vivant
seule dans son pavillon, autrefois dépendance du château, cette petite femme
aussi étrange que son village, me permit d’aller fouiller dans son grenier,
consciente du risque de passer une soirée plus agitée que d’habitude.
J’ignorais en montant les marches étroites et poussiéreuses, si elle
accepterait de répondre à mes interrogations sur la naissance mystérieuse de
mon père. Comment aborder ce sujet si épineux sans la brusquer, sans la
replonger dans un épisode de sa vie sans doute cruel ? Subtile et
sensible, elle comprit ma quête et parut presque soulagée d’avoir à ouvrir la
boîte de Pandore.
Sous ce toit livré aux courants
d’air froid, rien ne me sembla digne d’attention. Des malles de vêtements usés
et couvertures en laine, des sacs de jute vides, des cartons de vieux livres,
des outils rouillés, des meubles couverts de toiles d’araignées. Je n’eus pas le courage de commencer seule mes
investigations et m’apprêtais à refermer la porte quand… Je repérai une boîte à
chaussures d’où dépassaient des photographies anciennes. Je m’accroupis et
tirai au hasard: la photo de groupe d’un mariage. Une deuxième réunissait les
élèves d’une classe de jeunes filles. La troisième et les suivantes n’évoquèrent
pour moi que des scènes de vie du siècle passé. Pourtant, je ne sus que plus
tard pourquoi je pris le carton et descendis retrouver Marie-Louise assise
devant son poste de télévision. Il me sembla que son teint rosit en me voyant
réapparaître chargée de ma trouvaille.
– Grand-mère,
peux-tu me parler de ces personnes que tu as connues ?
– Oh !
Ma petite tu sais, ma mémoire n’est pas indéfectible, mais je vais essayer…
Là, ce sont mes parents devant notre château : tes arrière-grands-parents.
C’était avant la grande guerre. Ici, c’est moi : j’avais dix-sept ans et
mon frère Victor dix-huit. Il est mort de ses blessures peu après l’armistice.
Sur ce tirage jauni, Marie-Louise
était une belle jeune fille souriante aux traits délicats. On devinait sa
taille fine sous son jupon protégé par un tablier à carreaux. Un châle à fleurs
croisé sur sa poitrine et une coiffe limousine soigneusement amidonnée
complétaient sa mise sobre, mais de bonne tenue.
La vieille dame évoqua son éducation
stricte, la sévérité de son père, la vie au château somme toute confortable et
aisée. Elle commenta ces témoignages du passé avec une pointe de nostalgie qui
faisait trembler sa voix. C’est moi qui pris entre mes doigts la photo d’un
soldat. Son uniforme différait de ceux que j’avais pu observer sur les livres
et au cinéma.
Sur sa vareuse, un bouquet de fleurs
épinglé remplaçait la cocarde. Sous le casque de combat, son beau visage à peine
éclairé d’un sourire contrastait avec la tenue de guerre.
– Qui
est ce soldat, grand-mère ? Ton frère ?
Elle marqua un temps d’hésitation,
détourna son regard puis reprit la photo, la caressa du bout des doigts et des
larmes noyèrent ses yeux gris verts tandis qu’elle balbutia :
C’est
Dimitri, mon seul amour, l’homme de ma vie, mon regretté Dimitri ! Il
était slave : un blond aux yeux si bleus…
–
Dimitri ? Raconte, s’il te plaît ! Parle-moi de lui ; je veux
savoir…
– En
avril 1916, au bout d’un périple de plus de deux mois, des milliers de soldats
russes partis de Crimée ont débarqué en France.
Les larmes coulaient sur ses joues,
suivant les rides profondes de son visage. J’insistai :
–
Ils étaient pour ou contre nous ?
–
Nicolas II les avait échangés contre des armes. C’est Paul Doumer, avant d’être
président qui fut missionné par Joffre et parlementa avec le tsar. Le corps
expéditionnaire de quarante mille soldats devait soulager les troupes
françaises, les seconder dans les batailles de Champagne et du Nord. Ils
avaient aussi pour mission de remonter le moral des troupes françaises au plus
bas après deux ans d’offensives sanglantes et inutiles.
– Ils
étaient volontaires ?
–
Quelques-uns oui ; mais pas tous ! On les a envoyés au « casse-pipe »
avec les Français du front. Ils ont connu eux aussi l’horreur des tranchées, la
faim, le froid, la peur. Ils se sont illustrés sur plusieurs champs de
bataille. Tu as entendu parler du Chemin des Dames sans doute ?
– Bien
sûr ! Mais comment ton Dimitri est-il arrivé à Magnat ?
– Attends !
Je vais préparer une tisane ; ça me permettra de reprendre un peu mes
esprits pour te raconter la suite si tu veux bien.
–
D’accord Grand-mère ! Assieds-toi je fais chauffer l’eau.
Marie-Louise allait dévider l’écheveau d’une
partie de sa vie à la fois douloureuse et délicieuse. Elle avait besoin de se
ressaisir et je ne voulais pas la brusquer malgré mon impatiente avidité de
savoir. Elle sortit un mouchoir de sa poche de tablier, s’essuya les yeux et
continua d’une voix hésitante en serrant la tasse de verveine entre ses mains.
– Au
printemps 1917, le bruit d’une révolution en Russie parvient jusqu’aux
tranchées. Alors, le premier mai, les soldats de la première brigade refusent
de retourner au front.
– Il en
faisait partie ?
– Oui.
Cette brigade était constituée de deux régiments. Le premier formé d’ouvriers
moscovites et le deuxième, celui de Dimitri, de paysans de la région de Samara.
– Et
alors ?
– Eh
bien, ils réclament leur rapatriement en Russie pour participer activement aux
évènements dans leur pays. Ils brandissent des banderoles pour proclamer Vive la Russie libre démocratique
socialiste. Ils portent des bouquets de fleurs accrochés à leur vareuse et
leur mot d’ordre devient À bas la guerre.
– Ils se
révoltent, en fait ?
– Oui.
Ils se mutinent et l’état-major français, complètement dépassé les envoie au
camp d’entraînement militaire de La Courtine.
–
Pourquoi ici, juste à côté du village du chou de Magnat ?
– Cela
n’a rien à voir : c’est une coïncidence. La Courtine est suffisamment
éloignée des champs de bataille. Il fallait éviter que les idées pacifistes et
la vague révolutionnaire socialiste se répandent dans l’armée française. En
Creuse, ils sont isolés et ne pourront pas contaminer nos poilus.
– Et
que font-ils à La Courtine ?
– Ils
s’organisent en soviets et refusent
d’obéir aux officiers. Ils réclament toujours leur rapatriement, en vain.
Certains essaient de rallier quelques soldats de l’armée française à la cause
de leur révolution.
– La
mutinerie dure longtemps ?
– Attends !
Là, il faut que je te dise que certains
d’entre eux viennent à la rencontre des gens du pays. Ils donnent des coups de
main pour les travaux des champs aux alentours vu que les hommes ont été en
grande partie réquisitionnés pour aller au front. Nous sommes en pleine moisson
et les bras manquent.
– Et
ton Dimitri alors ? demandai-je impatiente.
–
C’était en plein été. Il faisait très chaud, je me souviens. Tous les jours, je
portais le panier pour le repas des moissonneurs : du pain noir, du
fromage, du lard ou du jambon séché à la ferme. Une bouteille de piquette bien fraîche était reçue avec
une joie contenue, mais franche.
– Toi ?
La fille du château ! Tu portais le casse-croûte aux paysans ?
– Oui.
Ils travaillaient pour nous, sur nos terres. Les rangs sociaux comptaient bien
moins que l’entraide à cette époque ! On ne pouvait pas se permettre de
mépriser les quelques bras vaillants restant disponibles pour cultiver,
récolter !
– Des
adolescents et des vieillards ?
– Et
quelques soldats russes. Le jour où Dimitri m’est apparu pour la première fois,
c’était à l’ombre du tilleul, face à la grange, derrière le château. Il s’est
avancé vers l’arbre pour partager ce déjeuner frugal. Quand il s’est approché
de moi, mon cœur s’est mis à cogner dans ma poitrine. Nos regards se sont figés
l’un à l’autre et plus personne n’existait autour de nous. Ses yeux bleus m’ont
fait tourner la tête dès qu’ils se sont fixés dans les miens. Il me semblait
plus doux que ses deux compagnons malgré sa stature imposante. Quand les hommes
ont repris la direction des champs, il s’est attardé pour m’aider à ranger et
rester un peu plus longtemps avec moi. Nous avons échangé quelques mots :
il parlait un français approximatif avec un fort accent et ma timidité ne me
permettait pas d’alimenter une conversation soutenue. Seules nos mains se sont
effleurées ce premier jour quand nous nous sommes séparés pour reprendre nos
tâches respectives. J’étais si troublée que je ne pus dormir cette nuit-là, ni
les suivantes d’ailleurs. J’avais vingt-deux ans et lui vingt-cinq.
–Tu
étais éperdument amoureuse !
–
C’était la première fois qu’un garçon me faisait cet effet. Je n’avais qu’une
idée en tête : qu’il revienne, le revoir ! Tu ne peux pas imaginer à quel
point je l’ai aimé ! Aujourd’hui encore, je pense à lui !
– Et il
est revenu ?
– Oh
oui, bien sûr ! Tous les jours, dès qu’il le pouvait. Nous nous donnions
rendez-vous sous ce tilleul qui nous a réunis pour la première fois. Ses camarades
lui adressaient des sourires entendus, mais restaient discrets comme pour
idéaliser notre couple. C’était la guerre ! Plusieurs femmes avaient perdu
un enfant, quelquefois deux, et souvent un mari, un frère, un père aussi.
Avait-on le droit de s’aimer ? De vivre ? D’être heureux alors que
tant de familles étaient dans le deuil ? Certains rentraient du front avec
un bras ou une jambe en moins. D’autres étaient complètement défigurés ;
on les appelait les « gueules cassées ». Sans
compter ceux qui avaient été gazés ou traumatisés à en perdre la tête. Que
cette guerre était épouvantable, sale : une honte pour l’humanité !
– Et
vous deux alors ?
– La
moisson terminée, le village s’était rassemblé pour fêter l’évènement autour
d’une table pour une fois bien garnie. À la fin du repas, Dimitri chuchota à
mon oreille une invitation à le rejoindre sous notre tilleul.
– Celui
où tu apportais les repas et vous donniez rendez-vous ?
– Oui
celui-là : notre lieu culte depuis le début de notre idylle. On s’est
allongés à l’ombre et il a commencé à me caresser, à m’embrasser tendrement en
murmurant des mots d’amour en français et en russe. J’étais si émue et je
trouvais ses mains si douces sur la peau de mes jambes nues sous ma jupe, que je
les laissais s’aventurer jusque sur ma poitrine.
–
C’était la première fois qu’un garçon te touchait ?
– Comme
ça, oui ! Et quand il m’a demandé de le rejoindre le soir dans la grange,
malgré les mises en garde de ma mère ressassées depuis ma puberté, je n’ai pas hésité
à lui promettre de venir à son rendez-vous.
– Tu as
fait le mur ?
– En
quelque sorte... Et tu devines la suite ! Dans le foin, je me suis donnée
à lui, sans retenue, et j’ai découvert le vrai plaisir. Nous nous sommes aimés
ainsi, tous les soirs, jusqu’à ce jour maudit où le camp a été encerclé avant
qu’il ait pu me rejoindre sous le tilleul où je l’attendais. La veille, il
m’avait donné la photo que tu tiens entre tes mains. Un de ses camarades avait
fait des tirages destinés à leurs familles.
– C’était
quand ? Tu te souviens ?
–
C’était fin août, début septembre. Le bruit a couru qu’on voulait organiser un
blocus autour du camp pour obliger les mutins à rendre leurs armes.
–
Comment as-tu appris ce qui se passait ?
– La
population de la périphérie du camp a été évacuée. Le 16 septembre, au terme de
négociations infructueuses, l’ordre était donné de bombarder le camp. Il paraît
que vers dix heures, le premier coup de canon retentit. Les mutins répliquèrent en jouant la marche
funèbre de Chopin. Officiellement, neuf rebelles auraient été tués, les leaders
emprisonnés et les survivants auraient eu le choix entre le retour au front ou
les travaux forcés en Algérie.
– Et
Dimitri ?
– Je ne
l’ai plus jamais revu, pas plus que ses deux copains. Il n’a même pas su que
j’étais enceinte.
– Mon
père est né le 8 mai 1918 : son fils ?
–
Pierre ! Oui son fils ! Mon fils qu’on m’a enlevé deux jours après sa
naissance.
–
Enlevé ? Comment ça enlevé ?
– Mon
père revenu du front a été averti de ma grossesse. Il est devenu comme fou
quand il a su que j’avais fauté avec un soldat russe, un rebelle, un
socialiste ! Ma mère, accusée de n’avoir pas été capable de veiller sur
moi, n’a pas réussi à l’apitoyer. Sa colère a été très violente. Je crois qu’il
n’avait plus toute sa raison.
– Tu
crois que s’il n’avait pas vécu l’horreur de la guerre il aurait accepté cet
enfant ?
– Il
était très fier ! La honte l’aurait de toute façon rongé et alors…
Toujours est-il que j’ai été séquestrée dès que mes rondeurs ont été visibles.
Deux jours après avoir accouché, j’ai été séparée de mon petit Pierre qui a été
remis à l’assistance publique.
Marie-Louise m’avoue avoir cessé de
s’alimenter et désiré mourir. Mais ses seins gonflés la faisaient tellement
souffrir qu’elle a finalement accepté de manger l’omelette au persil censée
arrêter la montée de lait. C’est ce qui la sauva et, peu à peu, la vie reprit
son cours inexorable.
– As-tu cherché à retrouver Dimitri après
la guerre?
– Non
parce que j’ose croire que, vivant, il aurait choisi l’amour plutôt que la
révolution et serait revenu à Magnat ce qui nous aurait rendu la vie
impossible. Désabusée, j’ai fini par épouser un brave châtelain d’Aubusson à
peine guéri de ses blessures. Il est décédé au bout de deux ans d’une infection
pulmonaire.
–
Grand-mère, écoute : je suis fière d’être ta petite fille et celle de
Dimitri que tu as tant aimé !
– Et
ton père, mon fils, mon Pierre ? dit-elle en sanglotant.
– Il a
pris le maquis en 42 et a péri dans l’explosion d’un pont qu’il avait miné pour
la résistance, répondis-je en la serrant
dans mes bras.
Portant
sa main à la poitrine, Marie-Louise murmura faiblement:
L’enfant que tu portes et que tu vas mettre au
monde aura un peu de sang russe, ma petite…
– Grand-mère, je donnerai à mon
fils le prénom de Dimitri.
Dimitri fut le dernier
mot que Marie-Louise entendit.
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